外人

Analphabète, muet et sourd je déambule telle une âme errante dans les rues de Tokyo.

Je me sens impuissant, incapable de communiquer le moindre de mes sentiments. Un nourrisson peut alerter son entourage de son statut émotionnel avec ses sanglots. Pour moi, le silence est la seule option.

On me dévisage, je le sens. Pouffements de rire, sourires narquois et grognements signalent ma présence. Le peu de japonais que je comprend est suffisant pour avoir la puce à l’oreille lorsque ma présence est commentée de manière peu plaisante. Pas assez suffisant pour en être certain par contre.

Du coup le doute subsiste et empoisonne le reste de la journée. N’importe quel regard se charge d’un sens funeste. Mon dialogue intérieur devient progressivement de plus en plus paranoïaque. Marchant d'un pas effréné, la ville se mue peu à peu dans une suite d'ombres et de lumières cacophoniques. Mon visage se crispe dans un rictus de haine.

Cette haine apparente ne fait qu’empirer les choses. Mon mécontentement visible perturbe l’harmonie sociale: La rue faisant partie de la sphère publique, les sentiments négatif ne sont pas sensés y être exprimés.

Inévitablement, un cercle vicieux prend racine. Criblé de toutes parts par des assauts imaginaires ou réels, je ne cherche qu’une chose: fuir le regard accusateur de cette masse anonyme.